Les grecs dans l’espace socioculturel de la bessarabie: perception des colons francophones chabiens (1841-1925)

Les caractéristiques historiques et culturelles de l'interprétation de la place et du rôle des Grecs dans le dialogue interculturel et l’interaction avec les représentants d'autres groupes ethniques de la région bessarabienne dans

Ðóáðèêà Èñòîðèÿ è èñòîðè÷åñêèå ëè÷íîñòè
Âèä ñòàòüÿ
ßçûê ôðàíöóçñêèé
Äàòà äîáàâëåíèÿ 05.04.2020
Ðàçìåð ôàéëà 26,9 K

Îòïðàâèòü ñâîþ õîðîøóþ ðàáîòó â áàçó çíàíèé ïðîñòî. Èñïîëüçóéòå ôîðìó, ðàñïîëîæåííóþ íèæå

Ñòóäåíòû, àñïèðàíòû, ìîëîäûå ó÷åíûå, èñïîëüçóþùèå áàçó çíàíèé â ñâîåé ó÷åáå è ðàáîòå, áóäóò âàì î÷åíü áëàãîäàðíû.

Ðàçìåùåíî íà http://www.allbest.ru/

Les grecs dans l'espace socioculturel de la bessarabie: perception des colons francophones chabiens (1841-1925)

Îëüãà Êóäøîâà

Le matériel peu étudié des travaux francophones des colons de Bessarabie, qui reflètent une couche scientifique, culturelle et linguistique considérable, comble une lacune importante dans l'historiographie de cette région. Ces ouvrages n'ont pas encore été soigneusement étudiés du point de vue de la perception et de l'interprétation du passé historique de la Bessarabie.

L'objectif du présent article est de déterminer les caractéristiques historiques et culturelles de l'interprétation de la place et du rôle des Grecs dans le dialogue interculturel et l'interaction avec les représentants d'autres groupes ethniques de la région bessarabienne dans les œuvres francophones des colons de Chabag publiées au cours des années 1841-1925.

On peut affirmer que les travaux scientifiques des intellectuels francophones de la colonie de Chabag reflètent leur apport important dans la «quête identitaire» de Bessarabie. Ces œuvres, mêlant organiquement des éléments agricoles, culturels, ethnographiques à d'autres proprement historiques, ont, à des degrés divers, évoquées la présence grecque en Bessarabie et son influence sur le développement socioculturel de cette région à travers différentes périodes historiques.

Mots clés: Bessarabie, colons suisses, Chabag, dialogue interculturel, espace socioculturel, Grecs, identité régionale, œuvres francophones.

«Ici la branche grecque a fleuri» (Mikhail Vassilyuk, poète bessarabien)

Disposant une profondeur historique évidente, la région bessarabienne a toujours été bigarrée et diversifiée au niveau national, linguistique, confessionnel, culturel, pourtant, avec la préservation incessante d'un niveau élevé de conscience nationale, sa population multiethnique démontre, à de très rares exceptions près, un sentiment fort et stable d'identité régionale, du «savoir-vivre en commun accumulé par le passé et dont le présent hérite». Actuellement ce paradoxe bessarabien revêt une importance particulière, et ce n 'est pas en vain: «L'identité régionale a été érigée en enjeu du succès ou de l'échec à venir de la politique de régionalisation: on s'interroge de manière récurrente quant à l'unité, la cohérence, la cohésion de telle ou telle région».

Àl'époque moderne le fait incontestable est que «l'identité ne vaut en effet que par sa coexistence avec l'altérité», et c'est la raison pour laquelle l'étude de la perception de unitas multiplex de la Bessarabie et de ses groupes ethniques par des représentants d'autres nations qui ont jouées leur propre rôle dans l'histoire de cette terre, dans la formation de sa spécificité et qui génèrent constamment un sentiment d'appartenance auprès de ses habitants est importante et pertinente. Nous avons en vue ici des colons suisses francophones qui sont venus en 1822 et dans les décennies suivantes à Chabag * en Bessarabie pour s'implanter sur son territoire et développer la viticulture et la vinification dans cette région. Ces vignerons vaudois «ont apporté leur culture et leur savoir-faire dans les terres de Bessarabie» (Ion Gherciu). Vraiment, ils ont joué un rôle important non seulement dans le développement de l'agriculture de Bessarabie, mais aussi dans la formation du caractère unique de son image culturelle et intellectuelle. Leurs écrits de différentes années démontrent de manière convaincante qu'ils considèrent les fondements historiques et culturels de leur village comme des critères incontournables et indépassables de leur propre identité. C'est pourquoi l'interprétation du monde béssarabien, consignée dans leur mémoire historique, est conditio sine qua non de la mosaïque complète de l'identité bessarabienne. Cette conviction constitue le point de départ de notre étude.

L'objectif du présent article est de déterminer les caractéristiques historiques et culturelles de l' interprétation de la place et du rôle des Grecs dans le dialogue interculturel et l'interaction avec des représentants d'autres groupes ethniques de la région bessarabienne dans les œuvres francophones des colons de Chabag publiées au cours des années 1841-1925.

L' intégration des humanités en tant que tendance objective de la modernité permet d'utiliser dans cette étude une approche culturologique associée à une approche historique et philologique reflétant le nouveau syncrétisme du savoir culturel actuel, représenté par la description et l'analyse de nombreux discours, concepts et aspects de l'interprétation de la réalité sociale.

Ces dernières années les travaux des colons Chabag, cette ex-colonie suisse de Bessarabie, attirent l'attention des chercheurs nationaux et étrangers tels que Alena Boyeva, Peter Collmer, Marco Giolitto, Olivier Grivat, Irina Ivanova, Olivier Meuwly, Valentina Onoprienko, Elena Simonato et al. Dans leurs études scientifiques ces travaux comme «un chapitre relativement méconnu de l'histoire de l'émigration suisse» (Denis Dafflon) ont été impliqués dans la considération sous l'angle d'établissement des caractéristiques principales de la communauté chabienne sous ses aspects historiques et linguistiques telles que l'histoire de l'émigration suisse en Russie, le contexte vaudois de l'émigration en Russie, historiographie de Chabag comme colonie suisse de la mer Noire, les caractéristiques du parler de Chabag, qui «représente un cas typique de lieu frontière entre les mondes russophone et francophone, parcouru par des courants et des dynamiques de nature variée, qui dérivent du contact entre le russe, le français et l'allemand, mais aussi avec les autres langues voisines comme l'ukrainien et le moldave» (Elena Simonato), etc. 5,6,7 Mais les ouvrages francophones des chabiens n'ont pas encore été soigneusement étudiés du point de vue de la perception et de l'interprétation du passé historique de la Bessarabie.

Il est à noter qu'en général dans l'historiographie nationale et étrangère les investigations au sujet de la culture grecque en Bessarabie du point de vue chronologique et thématique, à plusieurs aspects des relations humaines, interférences spirituelles et autres sont bien riches. Mais ces études, rédigées le plus souvent en ukrainien, roumain, russe et moins souvent en anglais, n'utilisent pratiquement pas de sources d'expression française.

Rappelons toutefois que le français en Bessarabie était répandu et populaire dep uis l'époque de la domination turque, étant en ces temps une sorte de lingua franca: «Le français était devenu la langue unique de la diplomatie avec la signature du traité de Rastatt en 1714 entre le prince Eugène de Savoie et le duc de Villars. Il l'est demeuré jusqu'en 1918. Au sud du Danube, l'usage du français a été un héritage encore plus ancien de l'empire ottoman. [...] Au XVIe siècle, il était devenu à l'intérieur de l'empire ottoman la principale langue de communication entre les communautés et les peuples de cet empire qui n'étaient pas de confession musulmane».

Plus tard, au XVII-e - XlX-e siècles ce sont des expatriés de confession protestante qui ont contribué à la diffusion du français. L'éveque de la colonie suisse de Chabo François- Louis Bunion, dont l'une des œuvres fera l'objet de l'étude du pr ésent article, a décrit ab experto l'état du français en Bessarabie du XlX-e siècle comme suit: «Cette langue universelle n'est parlée qu'à Chabag, en commune; mais chaque famille noble la connaît, chacune d'elles du moins la fait apprendre à quelque membre de sa famille, non seulement parce que la mode le veut, mais parce que les chefs-d'oeuvre littéraires se font en cette langue et qu'elle est la plus élégante». Donc, à l'époque susmentionnée la langue française en Bessarabie conserve son haut statut non seulement dans les milieux aristocratiques et commerçantes, mais aussi dans les cercles scientifiques et litteraires. Ainsi, le matériel peu étudié des travaux francophones des colons de Bessarabie, qui reflètent une couche scientifique, culturelle et linguistique considérable, comble une lacune importante dans l' historiographie de cette région.

Les premières références aux Grecs et aux traces de leur séjour sur la terre bessarabienne dans les ouvrages francophones des colons chabiens apparaissent dans le livre «Essai sur l'histoire naturelle de la Bessarabie» de Charles Tardent, colon suisse de la première génération. Son travail a été publié à Lausanne en 1841 et destiné principalement pour les amateurs des sciences naturelles. Le chercheur suisse s'appuie sur l'information fournie par des sources documentaires, pourtant des considérations et observations socioculturelles insérées dans son récit, sont indépendantes et dérivent de sa propre vision de la Bessarabie.

Compte tenu des objectifs principaux de Charles Tardent, des questions relatives à la composition nationale et au dialogue interculturel en Bessarabie ne sont pas primordiales dans ce livre et donc le sujet de la présence grecque dans cette région y est traitée assez sporadiquement. Au début de l'essai l'auteur note que ce pays «n'a encore été parcouru et observé convenablement par aucun naturaliste» et tâche avant tout de combler cette lacune. Cependant, en décrivant la position géographique et le climat de la Bessarabie qui rendent «cette province propre à beaucoup de genres de cultures» il se réfère aux «aborigènes Crecs» qui «se plaignent du changement de température».

Charles Tardent retrace les réalités historiques sur la culture du raisin dans la région étudiée et la production de vin par les Grecs anciens, puis par les Génois et les Turcs, qui ont possédés ces terres à diverses époques. Ainsi, le colon suisse affirme dans son texte que plusieurs ancients vignobles d'Akkerman* «n'ont pu etre introduits que par les peuples anciens marchands et voyageurs comme les Grecs et les Génois». Charles Tardent clarifie aussi les racines grecques de certains dénominations d'espèces biologiques de la région, e.g. : «On fait la pêche d'une autre espèce du hareng, nommé par les Grecs Kéfal». Vraiment, le nom «êåôàëü» de ce petit poisson appelé en français mulet, mule, muge ou meuille est venu en russe en raison de l'emprunt de la langue grecque et a été formé à partir du mot grec «kephale», qui signifie «tête», c'est-à-dire que le nom reflète le signe extérieur du poisson - sa grosse tête.

L'influence de la culture grecque sur le monde bessarabien est clairement et en détail démontrée et interprétée dans le travail remarquable «La Bessarabie ancienne et moderne. Ouvrage historique, géographique et statistique» d'un autre intellectuel suisse François-Louis Bugnion (1822-1880), venu à Chabag en 1843 de Belmont-sur-Lausanne. L'auteur de ce livre rédigé en français est un missionnaire universaliste, pasteur réformateur, enseignant de la colonie de Shabag et correspondant de l'Association Impériale d'agriculture du sud de Russie.

Il est remarquable qu'au cours de ces dernières années le livre susmentionné a été réédité plusieurs fois aux États-Unis dans la série «Forgotten Books» qui le reproduit selon l'original publié du vivant de l'auteur. Convaincu que cet ouvrage est important sur le plan culturel, on l'a rendu disponible dans le cadre d'engagement à protéger, préserver et promouvoir la littérature mondiale. Malheureusement en Bessarabie ce livre qui fait partie de la base de connaissances de la civilisation bessarabienne reste aujourd'hui une rareté bibliographique mal connue et n'a pas encore été traduit en langues slaves.

L'objectif historique et ethnographique de cet ouvrage de François -Louis Bugnion était d'explorer le passé bessarabien aussi profondément que possible, en remontant très loin dans les temps anciens, puis, d'une époque à l'autre, de comprendre plus précisément la vie de la population locale. Agumentum externum du chercheur suisse sont devenues des preuves de ses contemporains, ainsi que des sources documentaires et artistiques antiques et médiévales. L'auteur de l'ouvrage raconte l'histoire de la Bessarabie du début de l'Antiquité jusqu'au milieu des années 40 du XVIII-esiècle dans un large contexte socioculturel, ainsi que l'origine, la composition ethnique et sociale de sa population, son agriculture et son climat, sa géographie politique, etc. Il décrit les limites de cette région comme suit: «La Bessarabie, partie de l'ancienne Scythie comprend le pays situé entre la Moldavie à l'ouest, la Turquie au sud, la Mer Noire à l'est et au sud-est, le gouvernement de Kherson au nordest, et enfin la Podolie et une partie de la Boukovina, au nord. Ses bornes fluviales sont: le Dniester, au nord et au nord-est; la Mer Noire, à l'est et au sud-est; le Danube, au sud, et enfin le Pruth, à l'ouest».

François-Louis Bugnion s'intéresse aux problèmes de la colonisation de la Bessarabie par différents groupes ethniques: Sarmates, Scythes, Grecs, Romains. «Depuis les temps les plus reculés, le sol de la Bessarabie a été foulé, sans interruption, par des colons étrangers», - c'est ainsi que ces terres accueillantes sont caractérisées par leur colon suisse qui, après une étude minutieuse des sources historiques, explique les différentes vagues plusieurs fois centenaires de colonisation de la Bessarabie et note les phénomènes d'interaction sociale de colons d'ethnies différentes. Il donne leur séquence comme suit: «Les premiers colons que je découvre dans l'histoire sont les Sarmates. Ces hommes, qui vivaient avec les Scythes, étaient les subordonnés de ceux-ci, et leur fournissaient des soldats en temps de guerre, comme à des maîtres, selon qu'on le voit dans les guerres de Darius en Scythie. Plus tard, les Grecs vinrent s'y établir comme colons, avant même que les Sarmates eussent disparu; leurs colonies principales étaient Tyras, Ophiuse, Niconie, etc. Les Grecs furent remplacés par les Romains, qui s'y colonisèrent tellement que leurs descendants s'y trouvent encore aujourd'hui». Des liens étroits du passé historique de la Bessarabie et la Grèce se reflètent dans la narration qui recèle de nombreuses références aux Grecs et aux interprétations des traces et des conséquences de leur séjour sur cette terre. L'auteur suisse rappelle que «déjà 70 ans avant l'établissement des Grecs en Scythie, une flotte, sous les ordres de Jason, avait passé la mer Noire, se rendant en Colchide».

Dans la partie consacrée à l'ancienne Bessarabie les plus fréquentes sont les références à l'historien et géographe grec Hérodote, qui a visité lui-même ces terres et dans le Livre IV nommé «Melpomène» de son œuvre «Les Histoires» (rédigées probablement vers 445 avant J.-C.) les a décrites en détail. Notons que «Les Histoires» c 'est le plus ancien texte de la littérature européenne sur l'antiquité bessarabienne, il est naturel donc que pater historiae devient le «guide» principal de François-Louis Bugnion sur les temps anciens de la Bessarabie et des références du type «selon Hérodote», «disait Hérodote» ou bien «voici ce que dit Hérodote dans son livre quatrième» sont constantes dans son récit.

L'auteur du livre porte une attention particulière au peuple indigène nommé Scythes - premiers habitants des terres qui forment aujourd'hui la Bessarabie. En utilisant le témoignage d'Hérodote, le chercheur suisse les considère sauvages, pratiquant des coutumes grossières et n'aimant pas les habitudes et des croyances des autres, en particulier des Grecs: «Les Scythes avaient une aversion profonde pour les coutumes étrangères, et plusieurs fois ils ont puni ceux qui avaient voulu en imiter; le roi fît entre autres tuer Anacharsis, parce qu'il avait sacrifié à la manière des Grecs». Cependant, dans leurs croyances religieuses complexes et dans le panthéon de leurs dieux, fourni par le narrateur, des divinités grecs et romains Vesta, Jupiter, la Terre, Apollon, Vénus-Uranie, Hercule, Mars, Neptune, Mercure se combinent à merveille.

François-Louis Bunion examine des éléments de la diffusion culturelle, des processus de distribution spatiale et temporelle d'échantillons de la culture grecque, conduisant à l'échange d'éléments d'expérience sociale, d'interaction et de compréhension mutuelle des Scythes et des Grecs. Leur interaction socioculturelle commence par les échanges commerciaux: «Depuis l'expédition de Darius, les Scythes se livrèrent au commerce avec les Grecs qui avaient fondé la colonie Tomi, à l'embouchure du Danube, environ 1280 ans avant Jésus-Christ. Cette colonie avait été fondée par Néoptolème, fils d'Achille et chef des Thessaliens».

La narration relève plusieurs étapes du développement des relations socioculturelles entre des Scythes et des Grecs et cette interaction s'avère très bénéfique pour les premiers: «Au premier abord, les Scythes s'enfuirent des Grecs et s'enfoncèrent dans l'intérieur du pays; mais bientôt ils furent plus traitables et entrèrent en relation avec les étrangers, ce qui fut un coup de mort pour leurs habitudes nomades. L'adresse des Grecs se déploya avec succès vis-à-vis de ces êtres confiants; on leur fit remarquer des vêtements commodes, des colifichets pour leurs femmes, des outils simplifiés; on leur fit goûter des liqueurs spiritueuses, et par ces moyens on excita entre eux des rivalités. Le désir de posséder ces choses s'empara peu à peu des Scythes, qui finirent par les échanger contre des esclaves, parce que les Grecs ne voulaient pas autre chose».

Cependant, le commerce avec les Scythes a été aussi utile pour les Grecs, contribuant aux derniers à devenir des colons prospères de la région. L'auteur de l'étude avance son argument comme suit: «Par suite de l'extension de leur commerce avec les Scythes, les Grecs fondèrent encore plusieurs bourgs, entre autres celui d'Hermonacte, vers les bouches du

Tyras et ils élevèrent la tour de Néoptolème, pour servir de phare à l'embouchure du fleuve. Plus tard, ils s'avancèrent sur les bords du Limane du Dniester et fondèrent, à quinze milles de la mer, les villes de Niconie et d'Ophiuse (Akermann et Ovidiopol, qui sont effectivement à quinze milles ou vingt verstes de la mer). Enfin sur l'ile Tyres ils construisirent la ville de Tyras». Le chercheur estime que ces relations commerciales ont pris fin au deuxième siècle avant notre ère: «Les Grecs continuèrent le commerce d'échanges avec les habitants de la Bessarabie et du voisinage, jusque vers l'an 120 avant Jésus-Christ, époque vers laquelle les Romains s'emparèrent du pays et, par la suite, du commerce».

En décrivant la Bessarabie de la première moitié du XlX-e siècle François-Louis Bunion prend comme sources d'information à la fois des publications imprimées et des souvenirs des habitants de la région, témoins vivants des faits et des événements historiques et sociaux décrits, y incluants ses propres observations. Il souligne la grande diversité ethnique, religieuse et linguistique de sa nouvelle patrie en ce temps-là, dont la population était constituée de Moldaves, Malorossiens, Moscovites, Grecs, Juifs, Arméniens, Allemands, Bulgares, Suisses, Bohémiens ou Ziganes. En parlant de l'élément grec dans la structure démographique de la Bessarabie il précise que les Grecs, sont «descendants des anciens colons de cette nation».

En ce qui concerne les croyances religieuses des Bessarabiens qui lui sont contemporains, le chercheur suisse cite des données statistiques selon lesquelles «en première ligne nous devons placer la religion gréco-russe, qui est celle de la grande majorité des habitants». Plus loin il ajoute: «Les Grecs ont la même religion que les Russes, mais leur culte se fait en langue grecque». Parlant en tant que témoin des événements décrits il trouve en Ismaël* «de beaux bâtiments, la plupart appartenant à la couronne, et en outre deux églises grecques et un couvent». L'église de Kilia «se fait admirer par son élégante architecture, celle des Némoliaks par sa simplicité, et celle des Grecs par son ancienneté». En Akkerman (dans le texte de Bugnion - Akermann) «l'église grecque est la plus petite de toutes et pittoresquement posée sur un rocher près du lac», mais la légende associée au tombeau du «nouveau St.-Jean», renfermé dans une petite chapelle, située dans la cour de cette église, contient une haute appréciation des qualités morales des premiers chrétiens grecs, qui étaient vivaces dans la mémoire du peuple bessarabien. Il s'agit du marchand de Trébisonde, capitale du dernier empire grec, forcé par le pacha d'Akermann à renoncer à la foi chrétienne.

Il est bien connu que, lorsque des légendes ont été faites sur quelqu'un, cela signifiait non seulement une reconnaissance publique de ses actes, mais aussi une admiration sincère pour lui en tant que représentant de sa nation. Arrivée à l'auteur du livre en transmission orale, cette ancienne légende comme le reflet du folklore bessarabien avec son pathos religieux et social, mérite d'être reproduite sans coupures: «Sous la domination turque il arriva un jour un riche marchand chrétien avec un petit vaisseau de marchandises qu'il comptait vendre à Akermann; ce marchand était originaire de Trébisonde. Le pacha d'Akermann, qui convoitait les richesses de Jean, le fit enfermer pendant quelques jours et lui proposa ensuite d'apostasier s'il voulait conserver sa vie. Jean, indigné d'une pareille proposition, lui répondit fièrement: Comment quitterais-je une doctrine que j'ai sucée avec le lait de ma mère! Après d'inutiles efforts pour le convertir, le pacha confisqua son vaisseau et le condamna à mort. Il fut donc, ce chrétien Jean, attaché à la queue d'un cheval encore sauvage qui le traîna tantôt dans la boue, tantôt sur des pierres, et s'arrêta, quand le condamné fut mort, sur la place qu'occupe actuellement la chapelle. Les Turcs, surpris de l'air de reproche qu'ils lisaient aisément dans les yeux du cheval, voulurent contraindre celui- ci à courir encore; mais ils ne purent l'y obliger. Ils laissèrent donc là le corps du martyr; mais quand la nuit fut venue, la clarté que répandait ce corps les obligea de l'ensevelir un peu en terre. Sur ces entrefaites, arriva le prince de Shava qui, étant chrétien, demanda à acheter ce corps, ce qu'on lui accorda pourvu qu'il l'achetât à prix d'or, au poids du corps. Le prince, trop peu fortuné pour faire un pareil marché, partit de nouveau pour son village qui était dans le voisinage et revint peu après conclure le marché d'achat au prix proposé par les Turcs. Jean fut donc mis dans une balance et un certain nombre de pièces d'or dans l'autre, mais l'or ayant gagné de beaucoup, on en ôta une partie et il en fallut tant ôter qu'il n 'en resta qu'une seule pièce qui était égale au poids du corps de Jean (!) Le pacha, voyant cette merveille, n'osa pas prendre la pièce et se hâta de remettre le cadavre, lequel resta à Shava jusqu'aux temps passés (le dernier siècle, à la fin), époque où il fut ramené à Akermann et enseveli à la place où il était mort. Cette mort était survenue, dit encore la légende, l'an 1475».

Il convient de noter ici que le travail de François-Louis Bunion est empreint d'une profonde religiosité et de références constantes à la Bible. Ainsi, même le thème qu 'il n' y avait pas de servage en Bessarabie est donné comme suit: «Que les Bessarabiens s'estiment particulièrement favorisés d'être libres, de n'être pas esclaves comme beaucoup d'autres; qu'ils se montrent dignes de cette liberté, tout en se rappelant qu 'ils ne seront véritablement libres que lorsque le Fils de Dieu les aura affranchis du péché».

Dans le paragraphe «Histoire des langues parlées en Bessarabie» il s'agit du plurilinguisme traditionnel de cette terre et de l'enracinement profond de la langue grecque: «Depuis que les Cimraériens eurent quitté le pays, lesquels avaient sans doute une langue particulière, il y eut toujours en Bessarabie plusieurs langues parlées ensemble. Du temps d'Ovide, on y parlait le scythique et le sarmats. Bientôt la langue grecque y fut aussi en usage, par suite de l'établissement de colons sortis de la Grèce. Les deux premières langues sont aujourd'hui oubliées, tandis que le grec ancien a seulement fait place au grec moderne». En outre, l'auteur précise: «Le grec moderne est parlé par des Grecs-Russes, qui sont dans le pays depuis plusieurs générations; ils ont leur service religieux dans cette langue».

Le récit reflète qu'essayant de trouver des traces de la présence de Grecs anciens sur le territoire de sa nouvelle patrie, François-Louis Bunion tente de mener des recherches personnelles sur le terrain. Ainsi, en développant une histoire sur la ville de Tyras qui, selon les historiens de l'Antiquité, a été construite par les Grecs sur l'ile Tyres, il raconte ses tentatives de recherches archéologiques qui se sont avérées infructueuses: «J'ai fait fouiller dans cette île, aujourd'hui déserte; mais je n'y ai rien découvert, sans doute parce que la ville était construite en bois et que pendant environ deux mille ans de terme, il a eu le temps de se pourrir et décomposer». Il note également que les habitants locaux ne croient pas en l'existence de l'ancienne ville de Tira sur cette île et poursuit la controverse avec eux dans son livre: «Les personnes auxquelles j'ai parlé de la ville de Tyras qui y avait existé, m'ont généralement contredit; aucun des Russes auxquels j'en ai parlé ne savait cela; l'objection principale que l'on me faisait, était que l'emplacement est trop petit pour un établissement commercial, pour une ville; mais cette objection tombe dès qu'on a foulé le sol de l'île, laquelle a huit verstes de longueur, c'est-àdire, près de deux lieues; quant à sa largeur elle varie d'une à deux verstes».

Le résultat des recherches ultérieures d'un autre colon de cette terra testamentalis, André Anselme, a été beaucoup plus fructueux et a révélé de nombreux artefacts liés à la période antique qu'il décrit dans son livre «La colonie suisse de Chabag (Bessarabie): notice historique 1822-1922». (Précisons que les découvertes archéologiques de ce viticulteur de Shabo n'ont pas fait l'objet d'une recherche particulière, c'étaient principalement des trouvailles aléatoires qu'on faisaient en fouillant le sol.) Dans cet ouvrage les terres de sa colonie et d'Akkerman sont caractérisées comme suit: «Cette partie du district d'Akkerman avec ses anciens vignobles, peut être considérée aussi comme la plus intéressante sous le rapport historique. Nous ne parlerons pas ici de l'intérêt archéologique que présente Akkerman, l'ancien Tyras des Grecs et des Romains, le Moncastro des Génois, la Cetatea Alba* d'Etienne le Grand**, qui cache dans son enceinte les vestiges d'un passé plusieurs fois millénaire; mais il est intéressant de dire que très souvent le vigneron, en travaillant sa vigne, vient heurter des débris vénérables de poteries antiques et briser une amphore»38.

L'auteur du livre rappelle qu'Hérodote avait déjà trouvé ici la ville de Tiras, principale ville des Tirites, et se souvient les historiens de l'Antiquité: «Ce fut ici que, d'après Hérodote, habitèrent jadis les Grecs qu'on appelait Tyrites. Les auteurs anciens placent aussi à l'embouchure du Dniester la fameuse tour de Néoptolême et font mention de villes importantes telles que Niconie, Ofiloussa et Hermonacle»39. Argumentum ad oculosest une photographie, publiée dans le livre susmentionné, sur laquelle André Anselme apparaît accompagné d'artefacts grecs antiques découverts à Chabo. La légende sous la photo annonce que ce sont «amphores et monnaies grecques trouvées dans la vigne de l'auteur»40. Il inclut dans son raisonnement une interprétation du symbolisme des artefacts trouvés. Sachant que de nombreuses villes de la Grèce antique possédaient leurs propres pièces de monnaie, l'explorateur français cherche à expliquer les symboles gravés sur ces pièces. Ainsi, analysant des données numismatiques, présentées par cette terre antique, en tant que porteurs d'informations socioculturelles, de significations vitales et sémantiques il dit: «En effet, les monnaies de la ville grecque de Tyras, Akkerman, la Cetatea Alba actuelle qui datent du VIII-ème siècle avant notre ère, porte d'un côté l'effigie de Déméter, la déesse de la prospérité agricole, couronnée d'épis, symbole de la fertilité du pays, et au revers l'image du taureau qui bondit sous les piqûres des insectes, nous révélant la présence de chaleurs excessives». Et à l'aide de l'image d'une grappe de raisin sur des monnaies grecques antiques, le chercheur retrace la généalogie viticole de la région bessarabienne: «D'autres part, un grand nombre de monnaies du pays portent au revers la grappe de raisin, qui est restée depuis comme emblême de la ville sur son écusson, signe caractéristique de l'importance que dut avoir la culture de la vigne dans cette contrée, dans les époques les plus reculées».

En commentant l'histoire viticole de «cette contrée fertile» et ses liens é troits avec les traditions grecques, André Anselme réactualise des idées de ses prédécesseurs. Ainsi, «en parlant des vignobles d'Akkerman» le fondateur de la colonie suisse de Chabag Louis Vincent Tardent fait «la judicieuse remarque qu'ils sont ici en présence de plantations d'origne principalement grecque, dont la marque caractéristique est de tailler les seps bas, au ras du sol, genre de culture qui doit être considéré comme le plus approprié aux sols secs et aux étés chauds». Quant aux références aux relations des colons de Shabag avec les Grecs, elles ne sont mentionnées que quelques fois dans le récit, en particulier, il est dit que les habitants de Shabag «fraternisaient avec les membres de l'église grecque» et que le vin, les fruits et les fromages produits par les colons étaient expédiés en gros à Odessa, où chez le marchand grec Alexandre Stamaki ils ils étaient vendus au détail».

On peut donc affirmer que les travaux scientifiques des intellectuels francophones de la colonie de Chabag reflètent leur apport important dans la «quête identitaire» de Bessarabie. Ces œuvres, mêlant organiquement des éléments agricoles, culturels, ethnographiques à d'autres proprement historiques, ont, à des degrés divers, évoquées la présence grecque en Bessarabie et son influence sur le développement socioculturel de cette région à travers différentes périodes historiques.

Des recherches futures seront axées sur une analyse complète et la traduction adéquate en ukrainien des textes de colons suisses francophones de la Bessarabie, qui constituent pour les lecteurs ukrainiens une bonne occasion de se familiariser avec l'histoire spirituelle, la mentalité nationale, les valeurs de la vie de cette communauté en tant que partie intégrante du processus historique et culturel de la Bessarabie.

References

culturelle bessarabienne grec

1. Anselme A. (1925). La colonie suisse de Chabag Bessarabie: Notice historique, 1822- 1922. Cetatea-Alba: Imprimerie le Progrès. - 84 p. [in French].

2. Boieva A.R. (2012). Iz djerel pro istoriy shveitsatskih kolonistiv na pivdni Ukraini. [From the sources of the history of the Swiss colonists of the South of Ukraine] Visnik ONU [Herald of ONU]. Vol. 17, issue 2(8). P. 23-39 [in Ukrainian].

3. Bugnion F.-L. (1846). La Bessarabie ancienne et moderne. Ouvrage historique, géographique et statistique. - A Lausanne: chez George Bridez; A Odessa: chez Villietti; A Chabag: chez l'Auteur. - VI, 7-194 p. [in French].

4. Dupoirier E., Schajer H.-D. (1994) L'identité régionale: problèmes théoriques, perspectives politiques. Paris: Presses Universitaires de France. P. 330-344. [in French] URL: http://www.cevipof.com/rtefiles/File/elisabeth_dupoirier_.pdf

5. Grivat O. Des vins de Bessarabie produits à... Cully // Infôtellerie. Suisse Romande. - Décembre 2014. - ¹ 80. p. 19. [in French].

6. Les communautés suisses de Crimée et de la mer Noire: langues et traditions (2017). Edité par Elena Simonato, Irina Ivanova, Marco Giolitto. Cahiers de l'ILSL, ¹ 51. Lausanne: Centre de linguistique et des sciences du langage. 244 p. [in French].

7. Onoprienko V.F. (2009). «Istinniy ray - na shabskoy zemle...»: Documentalnaya istoria shveitsarskih kolonistov v Bessarabii [«A true paradise is on the land of Shabo...»: A documentary history of Swiss colonists in Bessarabia]. Odesa: Astroprint. 142 p. [in Russian].

8. Otchet o deistviah Imperatorskogo Obchestva selskogo hoziaistva Ujnoy Rossii za 1849 god (1850). [Report on the actions of the Imperial Society of Agriculture of Southern Russia for 1849]. 1. Changes in the composition of the Society and its Council [Text] // Notes of the Imperial Society of Agriculture of Southern Russia. - ¹ 1. - P.13-15. [in Russian].

9. Tardent Ch. (1841). Essai sur l'histoire naturelle de la Bessarabie. Lausanne: Imprimerie et librairie de Marc Ducloux. 90 p. [in French].

10. Vuillemin A. (2013). Les littératures d'expression française dans les pays du sud-est de l'Europe (XVIIIe-XXIe siècles). Fabula / Les colloques, La conquête de la langue. [in French] URL: http://www.fabula.org/colloques/document1978.php

The poorly studied material of Bessarabian settlers' French-speaking works, which reflect a significant scientific, cultural and linguistic layer, fills an important gap in the historiography of this region.

These works have not yet been carefully studied from the point of view of the perception and interpretation of the historical past of Bessarabia.

The purpose of this article is to determine the historical and cultural characteristics of the interpretation of the place and role of Greeks in intercultural dialogue and interaction with representatives of other ethnic groups in the Bessarabian region in French-speaking works of colonists of Shabo published during the years 1841-1925.

The first references to the Greeks and the traces of their stay on the Bessarabian land in the French books of settlers of Shabo appear in «Essay on the natural history of Bessarabia» by Charles Tardent, Swiss settler of the first generation.

The influence of Greek culture on the Bessarabian world is clearly and in detail demonstrated and interpreted in the remarkable work «The ancient and modern Bessarabia. Historical, geographical and statistical work» of another Swiss intellectual François-Louis Bugnion.

André Anselme in his book «The Swiss Colony Chabag (Bessarabia): historical overview 1822-1922» describes ancient Greek artifacts discovered in Shabo.

Commenting the story of «this fertile land», the French author updates the ideas of his predecessors, the aforementioned Swiss settlers and includes in his reasoning an interpretation of the symbolism of the _ found artifacts.

An analysis of the above texts proves that the Bessarabian settlers' French-speaking works reflect their important contribution to Bessarabia's «quest for identity». These works, organically mixing agricultural, cultural, ethnographic and historical elements, have, to varying degrees, evoked the Greek presence in Bessarabia and its influence on the sociocultural development of this region through different historical periods.

Key words: Bessarabia, Swiss settlers, Chabag, intercultural dialogue, socio-cultural space, Greeks, regional identity, French-speaking works.

Ðàçìåùåíî íà Allbest.ru


Ïîäîáíûå äîêóìåíòû

  • Àíàë³ç ïàë³òû÷íàé ³ ãðàìàäñêàé äçåéíàñö³ Íàäçâû÷àéíàé ì³ñ³³ Áåëàðóñêàé Íàðîäíàé Ðýñïóáë³ê³ (ÁÍÐ) ¢ Ãåðìàí³³ ó (1919-1925 ãã.). Äàêóìåíòû Íàäçâû÷àéíàé ì³ñ³³ ÁÍÐ ó Ãåðìàí³³ ÿê ã³ñòàðû÷íàÿ êðûí³öà ïà ã³ñòîðû³ áåëàðóñêàé ýì³ãðàöû³ ¢ 1919-1925 ãã. ó Ãåðìàí³³.

    êóðñîâàÿ ðàáîòà [56,6 K], äîáàâëåí 20.06.2012

  • Ñèíüõàéñêàÿ ðåâîëþöèÿ: íàçðåâàíèå ðåâîëþöèîííûõ ñîáûòèé, ñîçäàíèå ðåñïóáëèêè è ïîëèòè÷åñêàÿ áîðüáà 1916-1925 ãã. Íàöèîíàëüíàÿ ðåâîëþöèÿ 1925-1927 ãã. Êóëüòóðíàÿ ðåâîëþöèÿ. Ïîëèòè÷åñêàÿ îáñòàíîâêà â Êèòàå ïîñëå 1949 ã. Ðåôîðìû â Êèòàå êîíöà 1970-õ ãã.

    äèïëîìíàÿ ðàáîòà [130,5 K], äîáàâëåí 24.09.2012

  • Îïèñàíèå ïîëîæåíèÿ Êèòàÿ ïîñëå Ñèíüõàéñêîé ðåâîëþöèè. Ïðåäóñëîâèÿ ñîçäàíèÿ ðåâîëþöèîííîé áàçû â Ãóàíäóíå è ðàçâèòèÿ êîììóíèñòè÷åñêîãî äâèæåíèÿ. Ïðè÷èíè è õîä ðåâîëþöèè 1925-1927 ãîäîâ. Àíàëèç âíóòðåííåé è âíåøíåé ïîëèòèêè ïðàâèòåëüñòâà ×àí Êàéøè.

    äèïëîìíàÿ ðàáîòà [111,0 K], äîáàâëåí 20.10.2010

  • Âîåííûå êàìïàíèè ãîìèíüäàíîâñêîé àðìèè â 1925 ã. è ðîñò àâòîðèòåòà "íà÷àëüíèêà øêîëû" è åãî îêðóæåíèÿ. Ðåôîðìà âîîðóæåííûõ ñèë Ãîìèíüäàíà è ïîïûòêà ðóêîâîäñòâà ñîâåòñêîé ñîâåòíè÷åñêîé ãðóïïû îãðàíè÷èòü âëèÿíèå ×àí Êàéøè. Äåìàðø è òàêòè÷åñêàÿ ïîáåäà ×àíà.

    êîíòðîëüíàÿ ðàáîòà [45,6 K], äîáàâëåí 13.01.2017

  • Îñíîâíûå ïðîáëåìû âî âçàèìîîòíîøåíèÿõ ßïîíèè è Ðîññèè â ïåðèîä 1900-1925 ãã. Ðóññêî-ÿïîíñêàÿ âîéíà 1904–1905 ãã. è åå ðåçóëüòàòû. Èíòåðâåíöèÿ ßïîíèè íà Äàëüíåì Âîñòîêå Ðîññèè è åå ïîñëåäñòâèÿ 1920–1925 ãã. Äèïëîìàòè÷åñêèå íîòû ìåæäó ßïîíèåé, ÄÂÐ è ÐÑÔÑÐ.

    äèïëîìíàÿ ðàáîòà [723,7 K], äîáàâëåí 10.07.2017

  • Ýòàïû âîñòî÷íîãî êðèçèñà 30–40-õ ãîäîâ XIX ââ.; òóðåöêî-åãèïåòñêèå ïðîòèâîðå÷èÿ. Äèïëîìàòè÷åñêàÿ áîðüáà åâðîïåéñêèõ äåðæàâ â óñëîâèÿõ äîìèíèðîâàíèÿ âîñòî÷íîãî âîïðîñà â ìåæäóíàðîäíûõ îòíîøåíèÿõ. Ðàññòàíîâêà ñèë íà ðàçëè÷íûõ ñòàäèÿõ ðàçâèòèÿ êîíôëèêòà.

    ðåôåðàò [35,3 K], äîáàâëåí 08.01.2011

  • Îáùåñòâåííîå ðàçâèòèå Êèòàÿ íàêàíóíå Ïåðâîé îïèóìíîé âîéíû. Ðàçâÿçûâàíèå Àíãëèåé âîåííûõ äåéñòâèé â Êèòàå. Àíãëî-êèòàéñêèå ïåðåãîâîðû â Ãóàí÷æîó. Âîîðóæåííîå âûñòóïëåíèå ãóàíäóíöåâ ïðîòèâ àíãëè÷àí 30-31 ìàÿ 1841 ã. è ðàçâèòèå ïàòðèîòè÷åñêîãî äâèæåíèÿ.

    äèïëîìíàÿ ðàáîòà [107,3 K], äîáàâëåí 06.06.2017

  • The Effects Of The Industrial Revolution. Change in Urban Society. The Industrial Revolution presented mankind with a miracle that changed the fabric of human behavior and social interaction. Economic growth. Economic specialization.

    ðåôåðàò [23,8 K], äîáàâëåí 11.12.2006

  • Îáùåñòâåííî-ñîöèàëüíîå è ïîëèòè÷åñêîå ïîëîæåíèå â Ñîâåòñêîì Ñîþçå ïîñëå îêîí÷àíèÿ Ïåðâîé ìèðîâîé âîéíû, îöåíêà ëþäñêèõ è ýêîíîìè÷åñêèõ ïîòåðü ãîñóäàðñòâà. Àíàëèç íåîáõîäèìîñòè è îñíîâíûå ýòàïû ðåôîðìèðîâàíèÿ Êðàñíîé àðìèè â ðàçëè÷íûõ åå îòðàñëÿõ.

    êóðñîâàÿ ðàáîòà [187,1 K], äîáàâëåí 24.03.2013

  • The world political and economic situation on the beginning of the twentieth century. The formation of the alliances between the European states as one of the most important causes of World War One. Nationalism and it's place in the world conflict.

    ñòàòüÿ [12,6 K], äîáàâëåí 13.03.2014

Ðàáîòû â àðõèâàõ êðàñèâî îôîðìëåíû ñîãëàñíî òðåáîâàíèÿì ÂÓÇîâ è ñîäåðæàò ðèñóíêè, äèàãðàììû, ôîðìóëû è ò.ä.
PPT, PPTX è PDF-ôàéëû ïðåäñòàâëåíû òîëüêî â àðõèâàõ.
Ðåêîìåíäóåì ñêà÷àòü ðàáîòó.